La protection juridique des majeurs

La mesure d'accompagnement social personnalisé :

La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs prévoit la mise en place d’un dispositif d’accompagnement social et budgétaire en faveur de personnes dont la santé ou la sécurité est menacée ou compromise du fait des difficultés qu’elles éprouvent à gérer leurs prestations sociales.

Il s’agit d’un dispositif gradué qui comporte :

> une mesure « administrative », la mesure d’accompagnement social personnalisée (MASP) mise en œuvre par le département ; cette mesure peut prendre une forme contractuelle ou contraignante pour répondre à certaines situations

> et une mesure judiciaire, la mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ) exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Cette mesure ne peut être prononcée qu’après mise en œuvre et échec de la MASP.
Le dispositif d’accompagnement social et budgétaire, et notamment la MASP, constitue une des dispositions les plus importantes et les plus novatrices de la loi.

Les raisons de la réforme et de la mise en place d’un dispositif social spécifique

Alors que le dispositif a été mis en place à l’origine pour quelques milliers de personnes, plus de 800 000 personnes aujourd’hui, soit plus de 1 % de la population française, sont placées sous un régime de protection juridique. Le nombre des majeurs protégés pourrait avoisiner un million de personnes en 2010, si la dynamique des placements se poursuivait au rythme actuel. Ce qui interpelle la société s’agissant de mesures privatives de libertés et restrictives de droits.

A ces personnes sous protection juridique s’ajoutent en métropole uniquement 20 000 adultes relevant, en 2008, d’une mesure de tutelle aux prestations sociales (TPSA).

Les textes antérieurs prévoient que certaines de ces mesures de protection peuvent être prononcées pour des motifs sociaux. C’est évidemment le cas de la TPSA, mesure relevant du code de la sécurité sociale qui était ouverte lorsque les prestations sociales ne sont pas utilisées dans l’intérêt de leur bénéficiaire. Mais elle pouvait aussi être prononcée lorsque la personne, en raison de son état mental ou d’une déficience physique, vit dans des conditions d’alimentation, de logement et d’hygiène manifestement défectueuses.

C’est aussi le cas de la curatelle, mesure relevant du code civil qui pouvait être ouverte, avant le 1er janvier 2009, pour des motifs « d’intempérance, d’oisiveté et de prodigalité » et ainsi toucher des personnes qui souffrent d’alcoolisme, de toxicomanie ou qui sont en situation de surendettement, sans forcément souffrir d’altération de leurs facultés mentales.

Il n’existe donc pas actuellement pour toutes les mesures de protection - sociales ou juridiques - de ligne de partage claire entre mesure de protection juridique et mesure d’accompagnement social, l’altération des facultés personnelles - notamment mentales - devant déterminer la première.

Cette difficulté, source de dérives, est aggravée par les insuffisances des dispositifs d’action sociale à prendre en charge certaines situations, ce qui amène parfois les juges à prononcer des mesures de protection juridique pour des personnes en grande difficulté sociale, afin de préserver leurs intérêts, en l’absence d’actions plus adaptées. Ces mesures peuvent toutefois s’avérer inadéquates et excessivement contraignantes au regard des difficultés à traiter.

L’augmentation de la population des majeurs sous protection juridique ne pourra que se poursuivre, voire s’aggraver, si l’entrée dans le dispositif judiciaire ne répond pas, dans tous les cas, aux principes de nécessité et de subsidiarité. En effet, lorsqu’il peut être suffisamment pourvu aux intérêts du majeur par des mesures adaptées d’accompagnement social, il n’y a pas lieu de mettre en œuvre un régime de protection juridique.

Ainsi, sous l’influence d’une évolution socio-économique marquée notamment par l’importance des phénomènes de précarité et d’exclusion, la protection juridique des majeurs s’est progressivement écartée de sa finalité.

Pour mettre fin à ces dérives, il importait notamment de tracer une ligne de partage claire entre les mesures de protection juridique et les systèmes d’aide et d’action sociales et donc de rendre effectifs les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures de protection juridique car elles sont toujours restrictives de droits pour les personnes qui y sont soumises.

Un des apports importants de la réforme est de recentrer le dispositif de protection juridique sur les personnes réellement atteintes d’une altération de leurs facultés personnelles tout en améliorant leur prise en charge, notamment en étendant la protection à leur personne même et non plus seulement au patrimoine, et en personnalisant le contenu des mesures. Pour les personnes en situation de précarité ou d’exclusion est prévu un accompagnement social préalable à l’accompagnement judiciaire.

La loi du 5 mars 2007 a supprimé depuis le 1er janvier 2009, la TPSA ainsi que la possibilité d’ouvrir une curatelle pour des motifs sociaux (intempérance, oisiveté, prodigalité).

La réforme substitue à ces mesures un dispositif d’accompagnement social et budgétaire gradué qui est constitué d’un volet « administratif », la MASP, comportant une formule contractuelle et une disposition contraignante et, en cas d’échec, d’un volet judiciaire, la MAJ, se substituant à la TPSA.

I. La nature et le cadre de la mise en œuvre du dispositif départemental d’accompagnement social et budgétaire

La réforme prévoit la mise en place d’un dispositif social spécifique permettant d’éviter le placement sous protection juridique de personnes en grande difficulté sociale dont les intérêts peuvent être préservés par un accompagnement social et budgétaire adapté.

Le pilotage et la mise en œuvre de ces mesures sont logiquement confiés au département, chef de file de ce domaine d’action dans un secteur social et médico-social aujourd’hui largement décentralisé.

Ainsi, toute personne majeure bénéficiaire de prestations sociales et dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu’elle éprouve à gérer ses ressources peut bénéficier d’une mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP).

Cette mesure comporte une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social individualisé. Il s’agit d’actions favorisant l’insertion sociale de ces personnes et visant à rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations sociales qui leur sont versées.

Les services sociaux chargés de ces actions devront s’assurer de leur coordination avec les mesures d’action sociale qui pourraient être déjà mises en oeuvre. La MASP interviendra en amont du dispositif judiciaire, mais également en aval : elle pourra en effet « être ouverte à l’issue d’une mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ) arrivée à échéance » pour en faciliter la sortie.

Un contrat sera conclu entre la personne bénéficiaire de la MASP et le département, pour une durée de six mois à deux ans renouvelable dans la limite d’une durée totale de quatre ans. Avant tout renouvellement, le contrat devra faire l’objet d’une évaluation.

Le bénéficiaire du contrat pourra autoriser le département à percevoir et à gérer pour son compte tout ou partie des prestations sociales qu’il perçoit, en les affectant en priorité au paiement du loyer et des charges locatives en cours. Rien n’oblige que ce soit un travailleur social qui exerce cette fonction de perception et de gestion des prestations sociales pour le compte de la personne. Elle pourrait être confiée à du personnel administratif formé pour assurer cette activité ou déléguer à des associations tutélaires.

C’est évidemment le département qui déterminera les modalités d’organisation et de fonctionnement du nouveau dispositif. A ce titre, il pourra déléguer la mise en œuvre de tout ou partie des MASP à d’autres organismes, notamment à des CCAS ou CIAS, des organismes débiteurs de prestations sociales – par exemple la CAF - ou à des associations assurant des mesures d’accompagnement social, y compris des UDAF.

La mesure pourra devenir contraignante afin de prévenir une expulsion locative : c’est un des apports essentiels de la loi. Ainsi, en cas de refus par l’intéressé de signer le contrat ou de non respect de ses clauses, le président du conseil général peut demander au juge d’instance que soit procédé au versement direct, chaque mois, au bailleur, des prestations sociales dont l’intéressé est bénéficiaire à hauteur du montant du loyer et des charges locatives dont il est redevable. Le juge fixe la durée du prélèvement dans la limite de deux ans renouvelables sans que la durée totale de celui-ci puisse excéder quatre ans.

L’articulation entre le volet administratif et le volet judiciaire du dispositif d’accompagnement social et budgétaire

Lorsque la MASP n’a pas permis à son bénéficiaire de surmonter ses difficultés à gérer ses prestations sociales et que sa santé ou sa sécurité en est compromise, le président du conseil général transmet au procureur de la République un rapport comportant une évaluation de la situation de la personne et un bilan des actions sociales dont il a bénéficié.

Le procureur de la République qui jouera en quelque sorte un rôle de filtre, appréciera l’opportunité de saisir le juge des tutelles aux fins d’ouverture d’une mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ) ou encore d’une tutelle ou d’une curatelle.

La MAJ, inscrite dans le code civil mais n’entraînant aucune incapacité juridique, ne pourra être prononcée que pour des motifs sociaux (sans référence à l’altération des facultés personnelles). Elle répond en effet à certaines situations de précarité et d’exclusion qui n’ont pu trouver de réponses adaptées dans le cadre de la MASP. A ce titre, la MAJ ne pourra être mise en œuvre par le juge que lorsque toutes les actions personnalisées menées par le département n’ont pas permis de remédier aux difficultés rencontrées.

Elle se distingue donc des régimes de protection juridique (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice) et vise un autre public : les personnes dont la santé ou la sécurité est compromise du fait des difficultés qu’elles éprouvent à gérer leurs prestations sociales. La MASP s’étant avérée insuffisante, un accompagnement judiciaire prononcé par le juge des tutelles peut constituer une réponse adaptée aux difficultés que ces personnes éprouvent. La MAJ porte sur la gestion des prestations sociales choisies par le juge des tutelles. Celles-ci sont perçues par le mandataire judiciaire à la protection du majeur à qui la mesure a été confiée. Ce dernier exerce également une action éducative tendant à rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations sociales dont la personne bénéficie. La durée de la MAJ ne peut excéder 2 ans. Elle peut être renouvelée sans que la durée totale puisse excéder 4 ans.

La nécessaire collaboration entre les services du département et les autorités judiciaires

Cette articulation entre dispositif social et dispositif judiciaire implique un partenariat entre les autorités judiciaires et le président du conseil général et ses services sociaux. Mais également entre ces derniers et les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, par exemple dans le cadre de la mise en œuvre de la MASP « aval ».

Ce partenariat est essentiel pour renforcer l’adaptation et la coordination des réponses de protection sociale et judiciaire aux besoins des personnes, pour développer et diversifier l’offre de services et les démarches de coopération entre opérateurs et pour garantir une continuité des prises en charge.

II. L’évaluation de la mise en œuvre du dispositif social départemental

La loi prévoit que chaque département transmet à l’Etat les données agrégées portant sur la mise en œuvre de la MASP. Les résultats de l’exploitation de ces données seront restitués aux départements et seront régulièrement publiées. De plus, le dernier article de la loi - l’article 46 - prévoit une sorte de clause de revoyure : à compter du 1er janvier 2010, soit un an après la mise en œuvre du dispositif, et jusqu’au 1er janvier 2015, le Gouvernement présentera annuellement un rapport dressant un bilan statistique de la mise en œuvre de la MASP ainsi que des évolutions du nombre de mesures de protection juridique des majeurs.

Ce rapport indiquera également les coûts supportés par les différents acteurs, dont les départements et exposera, en cas d’alourdissement constaté des charges supportées par les départements, les compensations financières auxquelles l’Etat a procédé en lois de finances.
Vous pouvez consultez l'arrêté fixant la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et délégués aux prestations familiales ayant obtenu leur habilitation dans le département du Nord.

Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les délégués aux prestations familiales :

Consultez l'arrêté fixant la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les délégués aux prestations familiales ayant obtenu leur habilitation dans le département du Nord :